Killing Eve

Killing Eve

Killing Eve est une série télévisée britannique adaptée du livre Codename Villanelle de Luke Jennings. Le Festival Canneseries, qui se tient sur la Croisette, a projeté la nouvelle fiction de Phoebe Waller-Bridge, créatrice anglaise de l’acclamée Fleabag, et nouvelle voix incontournable dans le monde des séries.

Killing Eve est un thriller psychologique focalisé sur un jeu du chat et de la souris entre Eve (Sandra Oh), une agente du MI5 au quotidien tout ce qu’il y a de plus banal, et Villanelle (Jodie Comer), une tueuse violente et obsessionnelle. Une intrigue policière aspergée d’humour noir.

La série s’ouvre par une scène avec Villanelle, qui tente de créer un lien, à sa manière, avec une petite fille en train de manger une glace devant elle. Ou comment nous faire comprendre en moins de 2 minutes ce qui ne tourne vraiment pas rond chez cette jeune femme dénuée d’empathie, pour qui la vie est un jeu construit pour son unique plaisir. Brillante et sûre de ses qualités, elle dégomme ses richissimes cibles aux quatre coins de la planète sans encombre, jusqu’à ce que l’une de ses escapades meurtrières tombe sous le radar du MI5.

C’est là qu’intervient une autre femme tout aussi déterminée et fascinée par les comportements meurtriers, Eve. Cette ambitieuse espionne va saisir l’opportunité qui s’offre à elle quand sa hiérarchie fait face au meurtre d’un mafieux et se plante sur la direction à donner à l’enquête.

La tueuse de Killing Eve tue par plaisir, elle agit par pure cruauté, et elle apprécie le train de vie luxueux que lui permet le drôle de métier qu’elle s’est choisi. Bien que belle et féminine, elle ne correspond pas au stéréotype de la femme fatale. Bisexuelle et libertine, elle commente l’apparence des hommes avec qui elle échange. Son corps émancipé du modèle publicitaire et son attitude décomplexée et étrange ne correspondent à rien de connu sur grand ou petit écran.

De son coté, l’autre femme du récit, la bureaucrate, qui se fera vite espionne, s’autorise une forme de vulgarité langagière aussi bien qu’une formulation très simple de ses désirs sexuels : “- Tu veux faire l’amour? – Non, je suis crevé.” lui répondra son compagnon. Renversement des rôles, enfin.

Chacun à leur manière, ces deux personnages féminins illustrent un nouveau modèle de femme. Elles ont cessé d’obéir à ce que la société exigeait d’elles. Armée d’humour, elle s’épanouissent à coté de la norme. Avec Killing Eve, Phoebe Waller-Bridge réussit à faire une série féministe qui n’oppose pas les hommes et les femmes. En tant qu’homme, on ne peut que s’y réjouir de voir des modèles masculins libérés d’une masculinité encombrante et ridicule. 

Au-delà de ses aspects criminelles, Killing Eve nous donne donc à voir un monde dans lequel nous aimerions vivre, un monde où le genre a cessé d’être un poids dans l’épanouissement des individus. Une grande série contemporaine est peut-être née.

Au bout de sa première saison, Killing Eve a déjà tout d’une grande. Sobre et élégante, intense et novatrice, elle ne cherche pas à réinventer le genre, elle le réécrit à sa sauce sans oublier le plus important, ses personnages. 

Après huit épisodes, le plaisir est total, la prise de risque justifiée et le manque va être dur à combler en attendant une seconde saison, qui ne devrait pas débarquer avant 2019.