Nitram

Nitram

Nitram, dirigé par Justin Kurzel et sorti en 2021, est un thriller dramatique australien qui aborde les événements tragiques de la tuerie de Port-Arthur perpétrée par Martin Bryant en avril 1996 à Port Arthur, en Tasmanie.

Il est difficile de déterminer par où commencer avec Nitram (Caleb Landry Jones). C’est probablement la raison pour laquelle le film a suscité autant de controverses lors de sa présentation à la Croisette en 2021. D’un côté, il y avait ceux qui connaissaient l’histoire vraie derrière le portrait du jeune marginal, et de l’autre, ceux qui découvraient les détails au fil du récit, en particulier avec sa révélation finale. Cette divergence a inévitablement influencé la perception des spectateurs et, par conséquent, leur appréciation du film.

Nitram relate l’étrange trajectoire de Nitram (un anagramme de Martin), un jeune homme passionné par les feux d’artifice depuis son enfance, malgré les blessures qu’il en subit. Il a un QI très bas et vit avec ses parents en Tasmanie dans les années 90. Ses relations tumultueuses avec ses parents (Anthony LaPaglia et Judy Davis) le conduisent à s’éprendre d’une riche héritière plus âgée que lui de trente ans (Essie Davis), avec laquelle il entame une idylle, loin d’une société qui ne les comprend pas. Cependant, après un accident, la solitude de Nitram s’intensifie et le mène au pire scénario possible : la fusillade de Port-Arthur, la plus meurtrière de l’histoire de l’Australie.

À la différence de Elephant de Gus Van Sant, qui se concentre principalement sur la tragédie de Columbine du point de vue de quelques victimes, Nitram opte plutôt pour une immersion totale dans l’esprit de son protagoniste meurtrier.

Justin Kurzel fait preuve d’une intelligence remarquable en utilisant habilement sa mise en scène pour transmettre efficacement ses messages aux spectateurs. De manière particulièrement astucieuse, il recourt au hors-champ dans la scène finale cruciale, évitant ainsi tout sensationnalisme qui aurait compromis les ambitions audacieuses de son film.

D’un autre côté, dans une séquence glaçante d’une simplicité déconcertante, Justin Kurzel a capturé l’instant où Nitram achetait des armes à un armurier sans jamais détourner le regard, quelques minutes seulement avant une scène finale qui maintient la véritable tragédie à distance. Le réalisateur ne fait pas mystère d’un autre drame : la facilité avec laquelle des armes aussi dangereuses ont été mises entre les mains d’un marginal dépourvu de permis, dont l’instabilité et la dangerosité ont été clairement dépeintes tout au long du film.

Certes, le rythme du film et la mise en scène froide de Kurzel peuvent décontenancer, mais c’est précisément grâce à cette approche que la tension est intensifiée, avec une narration méticuleuse et des cadres resserrés d’une brutalité particulière. Le résultat est un portrait saisissant, oscillant entre le glauque, l’anxiogène et l’oppressant, sublimé par la performance magistrale de Caleb Landry Jones. Au-delà du thriller psychologique, Nitram porte un coup de poing puissant en critiquant une société en conflit avec elle-même.