Rodéo

Rodéo

Lola Quivoron réalise son premier long-métrage, Rodéo, présenté en compétition de la sélection Un certain regard au festival de Cannes 2022. Cette obsession de la réalisatrice a comme point d’origine l’adolescence et le milieu des motards.

La surprise initiale du film n’est pas à proprement parlé son sujet, mais bien le choix de son personnage principal, Julia. Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande…

Julie Ledru incarne le personnage de Julia, qui devient le pilier central du récit. Ce personnage est un vrai couteau suisse, débrouillard et sans attaches, qui se retrouve sans abri dès l’introduction du film. Pour subsister, elle vit de petites combines et de vols en tous genres et pense qu’elle n’a pas besoin d’argent puisqu’elle peut voler tout ce dont elle a besoin. Julia change constamment de tenue vestimentaire, tout en exprimant une identité de genre très neutre. Elle évolue dans un milieu exclusivement masculin, où les seules femmes qu’elle rencontre sont celles qui supportent leurs petits amis sur le bord de la piste de course.

La personnalité complexe de Julia est certainement l’une des grandes réussites du film Rodéo. Toujours sur le fil du rasoir, il est fascinant de la voir s’engager toujours plus loin dans son errance, là où l’on croyait déjà avoir atteint les sommets de la violence et de la marginalité. Cependant, cette force du personnage de Julia se répercute sur les autres personnages, qui paraissent ternes et peu identifiables, et par conséquent moins attachants. Par exemple, Kais, son principal allié, manque de profondeur et de relief, même si leur relation ambiguë est empreinte de complicité.

La dimension visuelle du film joue également un rôle important, notamment avec l’utilisation du format cinémascope 2:39, qui confère à l’image une dimension western parfaitement adaptée aux scènes de vitesse où la conduite est synonyme de liberté. C’est particulièrement le cas dans une magnifique séquence où Julia et Ophélie, jouée par Antonia Buresi, qui est également co-scénariste du film, partent en balade pour s’émanciper de l’emprise d’un chef qui contrôle tout depuis sa prison. Ces moments rappellent à quel point le contrôle masculin est omniprésent dans cet univers, où la virilité s’exprime par des acrobaties sur la roue arrière et par une violence verbale constante. Dans ce contexte, l’écriture d’un personnage qui transcende les genres est une véritable prouesse, témoignant d’un talent certain.

Malheureusement, le dernier tiers du film est moins réussi, avec des facilités dans l’écriture qui se manifestent notamment dans le final, qui ne permettent pas à Rodéo de tenir toutes les promesses et les belles intentions exprimées pendant plus d’une heure et quart. La tension dramatique des dernières scènes, qui auraient dû être un point culminant de l’histoire, est absente, et la conclusion est décevante pour un personnage si singulier auquel on s’attendait à un traitement plus abouti. Cependant, Rodéo reste un coup d’essai réussi pour Lola Quivoron, qui a démontré ses talents d’écrivaine et son audace dans ses choix esthétiques, offrant ainsi de belles perspectives pour l’avenir.